Lettre de protestation contre le CRAIF Avril 2016

À l’initiative de la Cippa, une lettre cosignée par la Main à l’Oreille, le RAAHP, l’ASM 13, l’HDJ Marie Abadie, l’AREF et l’UFR études psychanalytiques de l’Université Paris Diderot Paris 7, a été envoyée à la ministre de la santé pour protester contre le refus de diffusion d’informations du CRAIF. Il s’agissait notamment de l’événement festif organisé pour la journée du 04 avril 2016.

Madame la Ministre,
Madame la Secrétaire d’Etat au handicap,
Monsieur le délégué interministériel au Handicap,
Monsieur le Préfet,
Monsieur le directeur de l’ARS Ile-de-France,

Par la présente, les associations suivantes, la Cippa (Coordination Internationale entre Psychothérapeutes Psychanalystes et membres associés s’occupant de personnes avec Autisme), l’ASM 13 (Association de Santé Mentale du 13e arrondissement de Paris), l’AREF association des personnels du secteur 94.5 de pédopsychiatrie du Val de Marne, l’association de parents La Main à l’Oreille, et le RAAHP (Rassemblement pour une Approche des Autismes Humaniste et Plurielle), le centre Marie Abadie et l’Université Paris Diderot appellent votre attention sur le non-respect par le Centre Ressource Autisme Ile-de-France (CRAIF) de sa mission d’organiser l’information à destination des professionnels et des familles à propos de l’autisme pour la région Ile-de-France. Le CRAIF, à de multiples reprises, s’est opposé à diffuser des informations à propos de nos associations et de nos actions en faveur des personnes autistes, de leurs familles et des professionnels.

Ainsi, Monsieur Thomas Bouquet en sa qualité de directeur du CRAIF a refusé de diffuser l’information concernant l’organisation par la Cippa et la Main à l’Oreille d’un événement festif dans le cadre de la journée internationale de l’autisme du 02 avril 2016. Il s’est expliqué dans un mail du 27 mars 2016, par le motif qu’il voulait suivre les recommandations de bonne pratique de la Haute Autorité de Santé, sous-entendant par la même que ni la Cippa, ni la Main à l’Oreille n’en tenaient compte, ce qui est faux. Dédiée aux personnes avec autisme, cette journée a été un moment de partage fort entre parents, enfants et professionnels en dehors de toute polémique. Faisant suite à deux années de travail d’élaboration conjoint parents professionnels, son succès a montré l’intérêt de mettre en œuvre de tels espaces de rencontres. De nombreux parents ont exprimé leur attachement à l’expression et la prise en compte de la singularité de leurs enfants.

Avant même cet événement, l’ASM 13 et la Cippa se sont déjà vu refuser par le CRAIF la diffusion d’informations concernant leurs formations et leurs journées d’étude, notamment la journée d’étude du 23 janvier 2016, un dialogue avec des neurobiologistes et des généticiens et organisée dans le cadre d’un partenariat entre la Cippa et l’Université de Paris7.

Devant cette réticence du CRAIF et de son directeur nous voudrions vous rappeler plusieurs éléments concernant notre travail, nos actions et nos engagements :

  • Les recommandations de bonnes pratiques de la Haute Autorité de Santé de 2012, concernant la prise en charge des enfants avec troubles autistiques, mentionnent les approches psychanalytiques comme étant « non consensuelles ». Ce terme est suffisamment clair pour être correctement interprété et appliqué. Ces approches ne sont en aucun cas déconseillées, non recommandées ou interdites. Bien au contraire, d’autres méthodes ont été jugées non recommandées, la distinction lexicale entre recommandé et consensuel est par conséquent essentielle et doit donc être aussi une différence réelle dans l’application de ces recommandations.
  • Nous promouvons une approche multidimensionnelle de la prise en charge des troubles autistiques et une ouverture vers les professionnels des différentes spécialités. Ainsi, nous défendons la mise en œuvre d’une complémentarité des approches qui s’appuie sur les compétences des psychiatres, des psychologues cliniciens, cognitivistes et comportementalistes, des psychomotriciens, des orthophonistes, des éducateurs, des enseignants et de bien d’autres. Le travail en interdisciplinarité qui en découle est celui recommandé par les spécialistes de la question et les autorités médicales comme la Haute Autorité de Santé.
  • Si la psychanalyse est considérée comme non consensuelle, elle est l’objet de recherches et d’études scientifiques. Ainsi, la recherche INSERM sur les psychothérapies conduite par JM Thurin dans ses premiers résultats tend à démontrer l'efficacité de la psychothérapie psychanalytique dans la prise en charge de l’autisme.

D’autre part, nous vous rappelons que le CRAIF est placé sous votre contrôle direct ou indirect et nous vous rappelons quelques éléments concernant ces décisions :

  • les décisions ne correspondent pas aux recommandations de la Haute Autorité de Santé. L’argument opposé à nos demandes de diffusion est donc erroné. Le CRAIF n’avait pas de motif légitime pour refuser de diffuser l’information. Le choix est ainsi arbitraire et infondé
  • le CRAIF est financé par des fonds publics et est investi d’une mission de service public. Il doit organiser l’information à destination des parents et des professionnels. Par l’attitude adoptée, le CRAIF ne respecte pas les obligations découlant de sa mission, en censurant et en choisissant arbitrairement ce qui est correct ou non, en dehors de toute base légale et de considérations scientifiques. Le CRAIF doit être avant tout un relais et doit respecter la pluralité des idées. De plus, l’un des fondements du service public est la neutralité. Or, ici l’organisme gestionnaire du service public semble agir de manière partisane et non détachée de toutes considérations politiques, philosophiques, religieuses et autres, mais aussi sous l’influence de lobbies visant à disqualifier les méthodes psychothérapeutiques. Enfin, la gestion d’un service public s’accompagne de deux autres principes essentiels, l’égalité et la confiance. L’égalité est dans notre cas menacée sans raison valable et la fiabilité est inexistante. Comment peuton avoir confiance dans un service public qui devient partial et incomplet ?
  • Le CRAIF par ses décisions s’érige en juge des bonnes pratiques et dépasse ses objectifs et ses statuts. Il menace non seulement la liberté d’information des familles et des professionnels mais la liberté de choix de soins des patients et des familles. La liberté d’enseignement et de recherche est elle aussi remise en cause. La liberté, la pluralité des idées et l’égalité sont menacées par ces décisions qui sont de facto illégales, non démocratiques mais surtout injustes pour les familles qui recherchent le meilleur soin possible.

Croyez bien, que nous regrettons profondément d’avoir à tenir ce langage alarmant et ce ton vindicatif mais nous ne pouvons pas ne pas réagir à ces décisions injustes et dangereuses pour les personnes avec autismes, les familles mais aussi la liberté et l’égalité. L’intensité de nos propos est à la hauteur de notre déception et de notre désarroi devant de tels faits car notre seule préoccupation est le devenir des enfants et des adultes autistes. C’est pourquoi nous vous demandons de faire respecter ses obligations au CRAIF.

Madame la Ministre, Madame la Secrétaire d’Etat, Messieurs soyez assurés de notre sincérité et de nos salutations les plus distinguées.