Marie Dominique Amy répond à Bernadette Rogé

Marie Dominique Amy répond à Bernadette Rogé qui affirme doctement sur Médiapart que les psychanalystes allongent leurs petits patients autistes sur leurs divans.

À madame Bernadette Rogé, à la suite de son interview dans Médiapart le 14 mai 2012

De la part de Madame Dominique Amy, présidente de la CIPPA

Bonjour Madame,

Bien que co-éditées par Dunod, nous n'avons jamais eu l'occasion de nous rencontrer et je le regrette.

En tant que présidente de la CIPPA (Coordination Internationale de Psychothérapeutes Psychanalystes et membres associés s'occupant de Personnes avec Autisme), je souhaite faire un commentaire à votre interview du 14 mai dernier dans Médiapart.

Étant, comme un certain nombre de membres de la CIPPA, formée aux approches éducatives et aux évaluations cognitives, je ne peux que m'associer à la plupart de vos assertions. Toutefois les réactions virulentes d'un nombre important de nos membres psychanalystes ou non, m'amènent à revenir auprès de vous sur ce que vous dites de la psychanalyse et qui, nous semble-t-il, relève d'une vraie méconnaissance de notre pratique.

Comment pouvez-vous imaginer un seul instant que nous allongeons des enfants, des adolescents ou des adultes autistes sur un divan ? Si tant est qu'il y en ait un dans le bureau - ce qui est loin d'être toujours le cas ! - il est, comme tout le
reste du matériel, à la disposition de la personne autiste comme un objet de mise en scène d'un état qu'elle vit et que nous cherchons à comprendre et à l'aider à comprendre elle-même.

Vous le savez aussi bien que moi, les autistes éprouvent des émotions dont le sens leur échappe. Lorsqu'ils sont sans langage, c'est bien par le corps qu'ils nous montrent à la fois ce qu'ils vivent et leur incompréhension de ce vécu. Comment
donc imaginer qu'un psychanalyste puisse allonger une personne autiste ( j'en connais peu qui se plieraient à cet exercice ) et qu'assis derrière lui ou elle, il attende sagement qu'elle se mette à parler?

Tout ceci me désole car si une personne aussi bien formée que vous l'êtes ( j’ai lu votre livre avec le plus grand intérêt ) imagine que la psychanalyse est ce que vous semblez penser qu'elle est, on comprend mieux ce qu'il en est des parents
ou de certains professionnels non avertis.

J'espère que nous aurons l'occasion d'une rencontre et d'une discussion approfondie sur tout cela et vous prie, en attendant, de croire, Madame, à mes sentiments cordiaux.

Marie Dominique Amy