Mise au point sur une fréquente erreur d’interprétation de la Recommandation de la HAS concernant l’autisme (Figaro santé.fr 18/07/12)

Madame Agnès Leclair a écrit : “En mars la Haute Autorité de Santé (HAS) a désavoué la psychanalyse appliquée au traitement de l’autisme […] La psychanalyse est désormais rangée dans la catégorie des interventions 'non consensuelles ou non recommandées' pour les personnes autistes”.

Il y a lieu de rectifier cette confusion : la HAS n’a nullement désavoué la psychanalyse, mais a seulement constaté la non consensualité des experts au sujet de ses applications à l'autisme.

Cette confusion a été déclenchée par la divulgation en février dernier dans Libération d’une étape, encore provisoire, de la Recommandation qui chapeautait, sous une même en-tête “non consensuelles ou non recommandées”, d’une part les approches psychanalytiques et la psychothérapie institutionnelle et d'autre part des méthodes, celles-là véritablement non recommandées : méthodes Sunrise, Feuerstein, Doman etc.

Mais à la suite de très nombreuses protestations soulevées par cette confusion, le Pr Harousseau, président de la HAS, l’a dissipée à plusieurs reprises en faisant notamment remarquer que, pour les approches psychanalytiques, la phrase indiquant leur non consensualité n’avait été aucunement modifiée par rapport à l’état initial soumis à l'enquête publique, à savoir : “L'absence de données sur leur efficacité et la divergence des avis exprimés ne permettent pas de conclure à la pertinence des interventions fondées sur :

  • des approches psychanalytiques,
  • la psychothérapie institutionnelle."

Le Pr Harousseau a également écrit le 11 avril dernier au Dr J. M. Thurin : ”la HAS souhaite encourager une prise en charge multiprofessionnelle et coordonnée et non pas […] en finir avec la psychanalyse et faire table rase de l’existant”.

Toute confusion est ainsi dissipée : la version finale des Recommandations édictée en mars 2012 a clairement dissocié le paragraphe "non consensuelles" où elle place les approches psychanalytiques, et le paragraphe "non recommandées", où elle place d'autres méthodes.

Ajoutons que l’opposition "méthode psychanalytique" d’une part et de l’autre "méthodes éducatives comportementales et développementales" est dépassée dans beaucoup de lieux où collaborent des psychanalystes : les méthodes éducatives y sont largement utilisées, mais de manière réfléchie car elles ne sont pas non plus la panacée : la qualité de leurs validations est actuellement remise en cause même aux Etats Unis, et au Canada par le Pr Mottron. En France, beaucoup d’équipes recourent à la fois à des éléments du TEACCH (structuration de l’espace et du temps, supports visuels etc..) et de l’ABA surtout appliquée dans l’esprit ‘incidental’ c.ad. en partant d’indices donnés par l’enfant lui-même et en y ajoutant suffisamment de partage affectif et de moments ludiques ; l'importance de ces éléments est soulignée par les courants cognitivistes développementaux comme indispensables si l’on veut des acquisitions intégrées et stables : importance de l’imitation précoce (J. Nadel), de l’attention conjointe (P. Mundy, USA, T. Charman, UK et C. Barthelemy en France) ainsi que l’importance du jeu symbolique.

Rappelons aussi que la HAS met en garde contre l’utilisation d’une méthode unique, préconisant au contraire la pluridisciplinarité y compris l’utilisation des psychothérapies en plusieurs endroits de la Recommandation, le choix de l’orientation vers telle ou telle psychothérapie restant aux familles. Un certain nombre de celles-ci restent appréciatives de l’apport psychanalytique ; voir l' Espace parents dans le site de la CIPPA : http://www.cippautisme.org.

Les campagnes de réfutation et d’exclusion de la psychanalyse restent fixées sur les thèses causalistes de certains courants psychanalytiques, effectivement sources de culpabilisation parentale, mais dont la CIPPA s’est publiquement désolidarisée à l’occasion de la Journée mondiale de l’Autisme le 2 avril dernier. Ces campagnes ignorent le travail psychanalytique effectué par de nombreux praticiens, centré sur la compréhension des sujets avec autisme et le soulagement de leurs anxiétés, sources de nombreux symptômes handicapants, travail exposé dans le “dossier CIPPA” consultable sur son site. La confusion évoquée ci-dessus pouvant faire croire à une condamnation officielle de la psychanalyse appliquée à l'autisme continue malheureusement à circuler, pouvant aller dans certains lieux institutionnels jusqu'à l'arrêt de psychothérapies en cours, et à exclure les psychanalystes des activités de formation et même des occasions de dialogue!

Signalons qu’une recherche est en cours au sein d’un “Réseau (Inserm) de Recherches Fondées sur les Pratiques Psychothérapiques”, coord. J. M.Thurin (FFP-U 669) et B. Falissard (Dir.U669), dont le résultat partiel sur 41 études intensives de cas montre déjà les effets positifs des psychothérapies psychanalytiques ainsi que des psychothérapies d'échange et de développement (C. Barthélémy), voir bulletin N° 71-72 de "Pour la Recherche" : http://psydoc-fr.broca.inserm.fr

Pour la Cippa, le 31 juillet 2012 :

D. Amy, présidente,
G. Haag, secrétaire générale

À ce jour 25 octobre 2012, nous n’avons aucune réponse du Figaro.