Des étiologies et des idéologies

Lettre ouverte du Dr Ariane Giacobino, médecin généticienne, agrégée à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève, membre des sociétés suisse, européenne et américaine de génétique humaine.

Les manuels diagnostiques et statistiques DSM se succèdent, l’autisme et les troubles apparentés entrent ou sortent des catégories diagnostiques, et en parallèle, on assiste à une planification méthodique de la prise en charge de l’autisme, du soutien, de l’accompagnement aux familles, et de la formation des professionnels de cette affection. Cadrer ce dont on ne connait pas encore l’origine, pour éviter des dérives de soins non souhaitables ? Quelle logique et quels sous-entendus ?

On évoque, comme étiologie de l’autisme, des causes génétiques, épigénétiques, développementales ou environnementales, et en amont, des recherches en neuroscience, psychiatrie, sciences cognitives et sciences de l’homme : toute la médecine est là, avec ses outils d’imagerie, d’épidémiologie, de bio-informatique, questionnaires, bref, de tout ce qu’elle sait faire. Identifier ainsi des bio-marqueurs dont l’analyse serait faite au plus tôt, des cibles thérapeutiques pour un traitement de l’autisme, on le souhaiterait évidemment, mais en attendant ?

On cherche des causes et on tente des thérapies, mais celles-ci ne convergent pas nécessairement. C’est ainsi avec les essais thérapeutiques.

En développement, ou en études cliniques chez des patients autistes, on trouve bon nombre de molécules, comme l’ocytocine, les antidiurétiques, antifongiques, anti inflammatoires, antioxydants, vitamines et différents antipsychotiques, anticonvulsivants, et autres. On retrouve là un foisonnement d’approches thérapeutiques qui dépasse une possible étiologie. Doit-on les interdire, ou interdire celles issues d’hypothèses non reconnues ou validées ? Mais alors qui pourrait reconnaitre une hypothèse comme valable, alors que le propre de l’hypothèse est de ne pas être établie comme une réalité. Peut-on laisser les parents, familles, faire ce qu’ils pensent bon ? On veut des validations objectives, des cohortes analysées, des résultats chiffrés et statistiquement significatifs. Un seul traitement, le meilleur, pour tous ? Pour l’instant, rien de tel n’existe, le « mieux aller » est l’affaire de compétences multiples, de soins individualisés, de sur-mesure.

Il est aussi question de structurer la recherche, mettre les labels de qualité, gérer des plateformes de recherche, constituer des cohortes de patients, et aussi de former des éducateurs, travailleurs sociaux, former même des formateurs, tous de même calibre. Peut-on laisser la place, encore, à une médecine personnalisée, qui s’attache à laisser le libre choix de l’approche thérapeutique, ou du moins au choix des parents, patients, familles concernées ? Il ne s’agit pas de sociabiliser des sujets en les branchant tous à un câble de même diamètre, d’hydrater à volume égal des patients déshydratés, ou de placer des prothèses de hanche en série.

Faut-il donc légiférer sur les soins, la prise en charge, le mieux des uns, ou des autres. La médecine propose, le patient dispose, c’est ainsi que la médecine personnalisée, dont la génétique est l’un des domaines phares, devrait opérer. Fournir des options, adaptées au mieux à chacun, mais laisser le libre choix. Sous-entend-on qu’il n’y a que la réglementation qui permette de bannir les soignants sans formation agréée par des formateurs formés à reconnaitre une affection dont l’étiologie reste inconnue, définir la recherche inutile car se penchant sur des questions non reconnues d’intérêt majeur pour l’autisme, marquer les institutions sans label qui hébergent des patients heureux ?

Pédopsychiatrie, génétique, imagerie cérébrale, psychanalyse, sociologie, dépistage précoce, et bien d’autres options, thérapies, recherches…N’est-ce pas justement par la diversité des soins, des recherches, des offres de soutien, comme en s’appuyant sur la diversité des autistes, qu’on arrive à faire mieux pour chacun ?

Prôner de l’individualisé identique pour tous : c’est la logique illogique qui m’apparait à la lecture de ce « Troisième Plan Autisme ».