Lettre de l’association des psychiatres de secteur infanto-juvénile

3e plan autisme : Politique et santé mentale des enfants et des adolescents en France, vers une psychiatrie d'Etat ? 27 juin 2013.

Dans le 3e plan autisme rendu public en mai 2013, Mme CARLOTTI, ministre du gouvernement déléguée aux personnes handicapées, menace le service public français de psychiatrie infanto-juvénile au nom de « méthodes qui marchent et qui sont recommandées par la Haute Autorité de Santé », sous-entendant que les nôtres sont obsolètes. Plus menaçante, elle affirme : « N’auront les moyens pour agir que les établissements qui travailleront dans le sens où nous leur demanderons de travailler ».

Ainsi, un an après les « recommandations » de la « Haute Autorité de la Santé », un ministre du gouvernement veut détruire la pédopsychiatrie de terrain. Rappelons-lui que, depuis 40 ans, nous assumons une mission de service public de santé mentale. Nous sommes implantés dans l’ensemble du territoire et proposons des soins individualisés et pluridisciplinaires à près de 500 000 enfants et adolescents par an. Nous faisons face, de la manière la plus professionnelle et la plus humaine possible, à des situations de plus en plus complexes, où se mêlent des dimensions psychiatriques, affectives, éducatives, pédagogiques, sociales et économiques.

40 années d’élaborations cliniques, diagnostiques, thérapeutiques, de complémentarités pluridisciplinaires, de travaux de recherche seraient ainsi balayées d'un simple geste. Peut-on de manière aussi légère tirer un trait sur l'histoire de la psychiatrie et de l'hôpital public ? Et au nom de quoi ? Au nom de méthodes et de «recommandations» dont la valeur épistémologique est hautement critiquable : l’enfant autiste devient objet d’éducation et de rééducation, là où nous travaillons avec la complexité d’un sujet en devenir. Les derniers travaux anglo-saxons remettent en cause l’efficacité d’une méthode hégémonique et univoque. Les membres de notre association qui avaient initialement participé aux travaux d'élaboration de ces « recommandations », ont tous claqué la porte au moment de la rédaction des conclusions, tant cette démarche nous semble dangereuse.

Si les enjeux économiques et de santé publique sont devenues une préoccupation justifiée de l’exercice médical, nous revendiquons l’indépendance de nos choix thérapeutiques. Imagine- t-on, un ministre dicter à nos consœurs et confrères chirurgiens, l’art et la méthode de l’ablation, de la résection, ou de la suture ? Le risque à venir est l’exclusion des soins hospitaliers d’enfants et de familles en souffrance, au profit de lieux prônant une seule méthode dogmatique, imposée de manière autoritaire.

Sait-on en effet de quoi l’on parle ?

La pédopsychiatrie publique travaille quotidiennement avec la souffrance psychique des enfants et de leur famille. Elle ne le mérite plus, nous dit la ministre : « méfiez-vous des pédopsychiatres ! ».

L’API s’interroge sur cet incroyable message de défiance adressé à nos patients et à leurs familles, que nous accueillons avec empathie et respect, soucieux de construire avec eux, une indispensable alliance thérapeutique.

L’API questionne le message dénigrant adressé à nos partenaires historiques (secteur médico- social, Education Nationale et Santé Scolaire, Protection Judiciaire de la Jeunesse, PMI, Aide Sociale à l’Enfance, services des conseils généraux, MDPH), avec lesquels nous développons l’indispensable travail de liens et de réseaux, travail rodé et reconnu depuis plusieurs générations.

L’API s’alarme du message gouvernemental adressé aux équipes pluridisciplinaires de pédopsychiatrie, ainsi remises en cause par leur tutelle et dévalorisées dans leurs pratiques quotidiennes, dans un contexte où nos missions de prévention et de soin sont attaquées.

L’API dénonce ce qui nous apparait comme le premier pas vers l’instauration d’une psychiatrie d’Etat. C'est une ingérence inacceptable, totalement incompatible avec nos valeurs. Nous redoutons les conflits d'intérêts économiques et la marchandisation de la santé mentale.

Voilà, les vraies questions.

L’enfant en souffrance ne peut être réduit à ses comportements !

L’API continuera de défendre une approche psychopathologique et intégrative en psychiatrie infanto-juvénile, à savoir une évaluation et une prise en charge globale de l’enfant et de sa famille.

Nous refusons qu'un ministre bafoue nos diplômes, nos expertises, nos pratiques, notre histoire et notre déontologie, quand l’attaque de notre métier masque la cruelle problématique des moyens qui nous sont alloués.

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