Lettre ouverte à ceux qui peuvent découvrir à leurs dépens la perversion de publicités mensongères circulant sur le Net comme s’il s’agissait de vérités établies

Sans vouloir me réjouir de ce que nous sommes désormais fondés à nommer l’affaire Peillon, consécutive à cette incroyable aventure d’enfants qui sont retirés de leurs classes parce qu’on leur inculquerait, sous le prétexte de cours sur la sexualité, des éléments d’information plus que tendancieux visant à répandre la perversion sur les « genres » dans nos chères têtes blondes, je constate que les gouvernants sont maintenant ouvertement confrontés à une peste qui a envahi nos champs professionnels depuis quelques années et qui tend à se répandre de façon exponentielle.

En effet, lorsque les soignants pratiquant la technique du packing ont découvert lors d’une belle journée mondiale de l’autisme que cette technique, utilisée de façon très rare pour soigner efficacement les auto-mutilations chez les enfants autistes, était vilipendée outrageusement par certains parents d’enfants autistes groupés au sein d’associations prêtes à se servir de tous les moyens pour la faire disparaître de nos pratiques soignantes, sont-ils tombés des nues. La suite a donné raison aux détracteurs, malgré une succession de pare-feux mis en place par les instances officielles du ministère de la santé, et notamment par le Haut Conseil de la Santé Publique. Mais c’était sans compter sur la force des systèmes d’influence modernes qui ne s’embarrassent pas des scrupules de la démocratie : pour Peillon comme pour le packing, il est aujourd’hui possible d’envahir les espaces ciblés qui permettent de modifier en profondeur une tendance, voire le transformer radicalement, y compris en prenant le pouvoir dans des domaines dans lesquels un point de vue éclairé devrait prévaloir. Pour ce faire, pas besoin de justifications approfondie, il suffit de rassembler autour d’une publicité bien faite un certain nombre de personnalités qui disposent de réseaux larges et implantés, et de leur demander de bien vouloir transmettre chez leurs affidés un message simple : telle technique est barbare parce qu’elle réunit quelques éléments qui peuvent la faire passer pour telle, quitte à en travestir la réalité. A l’appui, vous joignez un petit film genre épouvante et voilà la mission accomplie : vous semez dans les chaumières le doute sur l’intégrité de telles et telles personnes, en les calomniant pour défendre une telle cause, sans aucune précaution pour leur travail, leur réputation et leur avenir. La conviction d’avoir raison l’emporte sur toutes autres préoccupations, et tout cela au nom d’une éthique mise en avant pour défendre une idée contenue dans le message véhiculé larga manu. Si d’aventures, vous arrivez à convaincre quelques scientifiques internationaux, ce qui a été le cas pour la technique du packing, en noyant suffisamment le poisson puisque le contenu du message soit dénué de toute vérification possible et orienté vers la thèse que vous défendez, vous prenez d’un coup une force considérable puisque vous pouvez vous appuyer sur la réputation intacte de ces savants qui ne sauraient être dupes des arguments avancés. Si, non content d’en être déjà arrivés là, vous souhaitez vraiment enfoncer le clou de votre combat acharné pour la défense des enfants victimes de ces méthodes épouvantables, alors vous n’avez plus qu’à toucher les cercles du pouvoir. Pour cela, il suffit de faire marcher vos réseaux et le nombre de clics sur internet obtenus sur les sites spécialisés dans ces opérations de noyautage devient l’argument principal, utilisé en son temps par Staline : « le Vatican ? Combien de divisions ? », celui du nombre d’électeurs potentiels concernés par votre position et qui ne manqueront pas d’attirer les votes en votre faveur. Toujours est-il que si, par ailleurs vous êtes repéré comme faisant partie du continent en perdition nommé « psychanalyse », alors là, pas de chance pour vous, toutes les forces hostiles convergent en votre défaveur, et vous avez beau arguer de votre fonction, de vos titres et travaux, de vos réussites argumentées, des quelques organismes officiels qui s’obstinent à vous défendre et à vous soutenir contre vents et marées, de votre réputation en opposition avec toutes les calomnies adressées par nombre de critiques qui précisément ne vous connaissent pas personnellement, cela n’a plus aucune importance, vous voilà emporté par ce tsunami d’avis négatifs, tous aussi creux et plein de vent que les arguments utilisés pour vous abattre. Vous auriez pu croire un instant que le changement de gouvernement vous donnerait la possibilité de vous exprimer devant de nouvelles instances qui se seraient réveillées de leurs moments de coma sous influence ? Que nenni !, c’est presque pire, à croire que la solution n’est plus dans le Politique.

Et puis, un soir, une émission réalisée par une mère d’enfant autiste, qui a la cote dans le public des téléphages, vient témoigner de son « si long combat », ce qui vient faire écho à ce que vous dites depuis plusieurs années sans effets aucuns, en assurant que la technique du packing a fait beaucoup de bien à son enfant, et qu’elle ne comprend pas qu’on ait pu en arriver à l’interdire aux autres enfants qui en auraient bien besoin. Alors, des parents et des professionnels en grand nombre viennent vous demander ce qui s’est passé, pourquoi cette technique a été interdite alors qu’aucun écrit ni aucune publication nationale ou internationale n’en a dit le moindre effet négatif, négligeant en passant les publications et livres où les résultats positifs étaient démontrés, pourquoi les pouvoirs publics se sont laissés abuser par des publicités mensongères pour laisser les détracteurs livrer leurs messages pervers, pourquoi et comment la Haute Autorité de Santé a pu sortir de telles contre-vérités malgré son engagement de rigueur scientifique, et comment tous ces éléments continuent de s’auto-entretenir par un effet dont seuls les connaisseurs d’Internet savent l’impossibilité de l’endiguer par la production de savoirs exacts, l’entropie des informations divulguées dans une démocratie médiatique approximative. Déjà la revue Prescrire, qui délivre des informations rigoureuses sur les pratiques médicales, avait fait remarquer avant l’été dernier l’absence de rigueur dans la publication des recommandations émises par la HAS en mars 2012. Les retours nombreux consécutifs au témoignage d’Eglantine Emeyé viennent confirmer cette inflexion et vont rendre à nouveau possible une vraie information. Les résultats de la recherche entreprise au CHRU de Lille viendront probablement confirmer l’efficacité de cette technique. Mais la similitude des mécanismes de désinformation utilisés avec l’affaire Peillon de façon encore plus antidémocratique me pousse à intervenir pour poser la question à nos contemporains : comment se défendre de ces moyens de pressions hyperagissants et anonymes qui viennent gangréner notre démocratie en faisant appel à des technique dignes de l’intoxication en période de guerre, et qui ont comme objectifs de déstabiliser suffisamment les personnes ressources de ce pays au profit d’avis donnés par des « experts » de papier, dont l’expertise ne se trouve pas dans les sujets abordés, mais dans d’autres domaines qui, pour en être connexes, ne peuvent en aucun cas être considérés comme pertinents. Demanderait-on à un généticien des cancers digestifs son avis éclairé dans la technique opératoire pour les métastases cérébrales ? Bien sûr que non. Eh bien, c’est ce qui s’est passé en matière de packing, toutes les personnes interrogées et appelées à juger de son efficacité et de sa pertinence n’ont aucune connaissance dans ce domaine précis et ont donné un avis certes intéressant en tant que citoyen, mais nul en tant que spécialiste. Et pourtant les décisions ont été prises avec ces avis de personnes incompétentes dans le sujet traité.

Il en va de notre fonctionnement démocratique de trouver des moyens de lutter contre ces impostures scientifiques. La science doit aider le Politique à prendre les bonnes décisions en matière de santé, mais à condition que la démarche soit essentiellement scientifique et non idéologique ou commerciale. Ces évènements doivent être médités pour ce qu’ils sont, des signes avant-coureurs d’une société qui ne saura plus comment savoir avec justesse ce qu’il est bon de savoir sans soupçonner que ce savoir peut être contaminé par d’autres considérations portant sur des intérêts partisans. Ces faux débats aboutissant à des décisions arbitraires, livrés sans dépasser la conflictualité nécessaire aux processus de pensée, sont délétères pour nos contemporains.

Diffusé dimanche 2 février 2014, sur http://www.balat.fr/Pierre-Delion-Lettre-ouverte-a.html