Il était une fois un papa et une maman lièvre qui aimaient beaucoup leur petit dernier, il était si doux et si mignon. En grandissant il devenait de plus en plus différent de ses frères et sœurs, cependant cela ne les surprenait pas trop, après tout chacun a sa propre personnalité et c’est bien ainsi. Mais bientôt tout le corps du bébé se couvrit de piquants et il prit l’habitude de se mettre en boule dès qu’on l’approchait...
Il était une fois un papa et une maman lièvre qui aimaient beaucoup leur petit dernier, il était si doux et si mignon. En grandissant il devenait de plus en plus différent de ses frères et sœurs, cependant cela ne les surprenait pas trop, après tout chacun a sa propre personnalité et c’est bien ainsi. Mais bientôt tout le corps du bébé se couvrit de piquants et il prit l’habitude de se mettre en boule dès qu’on l’approchait. C’était très frustrant de ne plus pouvoir le caresser, ni même le regarder dans les yeux ou lui parler. Et puis il avait des goûts et un comportement de plus en plus bizarres : il ne raffolait pas des carottes et il ne s’amusait pas à gambader dans les champs avec les autres petits lièvres. À vrai dire il ne courait jamais et ça, c’était vraiment très inquiétant.
Les parents demandèrent donc conseil à un grand lièvre, connu dans toute la contrée pour avoir, disait-on, réussi à rééduquer des cas semblables. Le Grand Maitre en Rééducation commença par déclarer aux parents qu’ils avaient déjà trop attendu pour venir le consulter, que leur enfant était atteint d’hérissautisme sévère et que lui, et lui seul, pourrait le sauver, mais à deux conditions : ils devaient s’engager à faire exactement ce qu’il leur dirait et ils devaient donner en offrande, à ses assistants et à lui, les meilleures denrées qui se puissent trouver.
Les parents, affolés, étaient prêts à tous les sacrifices pour leur petit. Ils demandèrent au Grand Maitre ce qu’ils avaient à faire.
« Pour commencer, dit-il avec autorité, vous allez lui arracher tous ces affreux piquants pour normaliser son aspect et l’obliger à renoncer à se mettre en boule sans raison. C’est un comportement inadéquat pour un lièvre, il doit vous faire honte quand vous vous promenez avec lui, et vous ne devez plus le tolérer. Ensuite vous lui ferez faire quarante heures d’exercices par semaine pour l’entraîner à courir comme un lièvre digne de ce nom ! Chaque fois qu’il atteindra le score fixé pour une épreuve, il aura droit à une rondelle de carotte mais malheur à lui s’il échoue : on le poussera alors contre la clôture électrique pour bien lui apprendre ce qu’il en coûte de ne pas se plier à la volonté du Maitre. »
Les parents étaient complètement désemparés. Tout cela leur paraissait très violent, ils n’avaient aucune envie de brutaliser leur petit, pourtant le Grand Maitre leur avait affirmé qu’ils n’avaient pas le choix s’ils voulaient que leur enfant redevienne comme les autres.
Ils décidèrent néanmoins de prendre d’autres avis. On leur avait parlé d’un forum où des lièvres hérissautistes échangeaient sur leurs difficultés à vivre dans le monde des lièvres « normaux », les « normopoils » comme ils les appelaient. Les parents allèrent les écouter.
Ces lièvres hérissautistes voulaient qu’on les appelle « hérissons ». Hérisson ? Quel drôle de nom pour un lièvre ! Ceux-ci ne comprenaient pas pourquoi les lièvres étaient constamment en train de courir. Ils leur semblaient chercher frénétiquement quelque chose qu’ils auraient perdu mais ils ne savaient pas quoi. Et aucun n’avait jamais retrouvé cette chose si précieuse puisque aucun ne s’arrêtait jamais de courir ! Tout cela était incompréhensible pour un hérisson. Et puis, pourquoi détalaient-ils dès qu’ils se sentaient menacés alors que c’était si simple de se mettre en boule ?
Les hérissons étaient très en colère contre les normopoils qui avaient arraché les piquants de certains d’entre eux. Les malheureux s’étaient retrouvés sans aucune défense, ils étaient terrorisés, ils tombaient malades ou en dépression, ils se bourraient de tranquillisants pour supporter l’insupportable, certains devenaient violents, d’autres mouraient de peur.
Les hérissons ne comprenaient pas non plus pourquoi certains normopoils allaient jusqu’à administrer des drogues à des petits hérissons dans l’espoir vain de les faire courir aussi vite qu’un lièvre.
Malgré tout, les hérissons auraient bien aimé être les amis des lièvres. Cependant, pour cela, il aurait fallu que les lièvres cessent de les bousculer avec leurs gesticulations et leur vacarme. Il aurait fallu qu’ils prennent le temps de les apprivoiser en respectant leurs rythmes, leurs goûts, leurs possibilités et leurs impossibilités, leurs désirs et leurs angoisses.
Les hérissons du forum connaissaient quelques lièvres avec lesquels ils n’avaient pas besoin de se mettre en boule car ils se sentaient en confiance. Ils avaient chacun leur manière personnelle de s’adresser à eux, certains leur proposaient des jeux, d’autres s’amusaient à les imiter et à se faire imiter, d’autres encore leur proposaient de les aider à réaliser des choses qu’ils aimaient mais ne pouvaient faire tout seuls, d’autres enfin prenaient le temps de les écouter et d’établir un dialogue vrai avec eux. Ils étaient très différents les uns des autres, mais ils avaient en commun de ne pas prétendre tout savoir sur les hérissons et ils ne cherchaient pas à toute force à leur imposer leur volonté.
Les parents du petit hérisson étaient ravis d’entendre qu’on pouvait aider leur enfant de bien des façons et que l’éducation ne se limitait pas à l’usage de la carotte ou du bâton. Et surtout, ils avaient compris que ce qui est bon et bien pour un lièvre ne l’est pas nécessairement pour un hérisson.
Patrick Sadoun
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