Combattre l’autisme : former les médecins, limiter la souffrance des enfants et des parents, vaincre la bêtise (où qu’elle soit)
L‘appel à manifestation sous les fenêtres de la Haute Autorité de Santé (HAS) lancé pour le 6 mars par quelques associations, pour contester le recours aux techniques fondées sur la psychanalyse dans la prise en charge des personnes autistes , est révélateur du grand délabrement de la gestion de l’accompagnement des personnes avec autisme dans notre pays.
La polémique actuelle, complaisamment alimentée par quelques politiques en mal de médiatisation ou voulant masquer leur incurie, surfe sur l’immense souffrance des enfants autistes et de leurs parents, sur l’ignorance des causes de l’autisme, sur l’absence de formation des médecins puis des parents dont un enfant naît avec autisme et enfin, sur la lâcheté des gouvernements qui, depuis des décennies, fuient des décisions, certes difficiles, mais qui auraient dû intervenir depuis longtemps et doivent être prises d’urgence.
Ainsi, dans le seul Val d’Oise, 252 enfants sont à ce jour sans solution, livrés à eux même, et leurs familles abandonnées. 80% d’entre eux sont avec autisme et/ou souffrent de troubles envahissants du développement (TED).
Pire, toujours pour le seul Val d’Oise, nous devons envoyer 170 adultes avec autisme en Belgique du fait du manque de places adaptées, conséquence de moyens financiers insuffisants. Pourquoi la Belgique est-elle capable de répondre à ses propres besoins et aux notre en sus ? Voilà une question qui mérite d’être posée. Une partie de la réponse est que la Belgique a créé dès 1954 un système de financement dédié et solide pour créer les places nécessaires.
En effet, résumer les immenses difficultés liés à l'accompagnement des personnes autistes en France au simple problème d’une querelle d’experts ressassée depuis 30 ans (psychanalyse ou pas, packing ou pas) et qui pourrit le quotidien des familles, et appeler à une manif pour trancher ce débat, est réducteur à un point qui est inacceptable. C’est ignorer 3 ans de travail de la HAS représentant des dizaines de réunions et d'auditions et des centaines de contributions ! Ce serait risible si la question n'était pas si douloureuse.
Ainsi d’un côté, c’est comme si un enfant qui naissait sans pouvoir marcher devait refuser l’usage d’un fauteuil roulant parce que celui-ci est stigmatisant. Ridicule, mais les familles ont le choix et sont libres. De l’autre côté, c’est comme si un enfant qui ne marchait pas devait se contenter pour toute prise en charge d’un fauteuil roulant, sans pouvoir aller à l’école par exemple, comme si l’acquisition du savoir se faisait par magie? Stupide, évidemment stupide, mais les familles ont le choix. Pour la psychanalyse et l’autisme c’est un peu la même chose : il est ridicule et infondé d’affirmer que ce seul traitement suffit, mais il est stupide de vouloir se passer de la compétence des psychiatres ou des psychanalystes. Sauf que le choix n’existe pas pour les personnes avec autisme, faute de place et parce que l’école n’est pas adaptée.
Dés lors, la HAS s'apprête à qualifier la psychanalyse comme non consensuelle : cela semble sage, car c'est à l'évidence une réalité. La HAS pourra ajouter que la psychanalyse comme toute méthode, technique ou thérapie ne peut être imposée aux familles contre leur gré, que le recours s'inscrit dans le cadre d'une prescription précise et que sa mise en œuvre exige le respect d'un protocole précis qui doit être contrôlé et évalué régulièrement.
La HAS pourra ajouter que la prise en charge psychanalytique peut s'avérer parfois nécessaire et utile dans certaines conditions, mais qu'elle n'est jamais suffisante, notamment au regard des acquisitions cognitives, de l'accès au savoir et de l'intégration sociale et professionnelle.
Enfin, la HAS pourra ajouter que toute prise en charge d'une personne autiste passe nécessairement par une approche pluridisciplinaire. Dans tout établissement accueillant des personnes avec autisme cette pluridisciplinarité doit être garantie et assurée, soit en interne, avec la présence de compétences précises, soit en externe, dans le cadre d'un travail en réseau. Elle doit être contrôlable et contrôlée. Bref, que le décret du 20 mars 2009 soit appliqué et que sa non application entraine des sanctions financières immédiates vis-à-vis des établissements contrevenants. Les ministres et parlementaires ont donc déjà tous les moyens à leur disposition. Il leur faut juste le courage politique. Pas besoin de nouvelle loi.
Je suis donc persuadé que les manifestations de rue sont la plus mauvaise des solutions : elles ne font qu'exacerber les tensions, poussent les acteurs à prendre des postures et des attitudes extrêmes, créent des blocages idéologiques, ce qui empêche l'émergence des solutions techniques appropriées pour aider les personnes avec autisme et leurs familles. Il ne faut donc pas rentrer dans ce cercle mortifère.
Pour conclure, les vrais problèmes restent :
S’il faut descendre dans la rue, c'est de cela qu'il faut parler. Il faut le crier, le hurler. En ces temps de campagne électorale où le débat a bien du mal à s’élever, peut-être serons nous entendus ? On peut rêver, mais les personnes avec autisme aussi ont droit à leur part de rêve et pas seulement au cauchemar du quotidien.
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