Présentation des origines du psychodrame et de ses évolutions dans le champ psychanalytique.
« Forme de psychothérapie reposant sur les données essentielles de la théorie psychanalytique et utilisant le jeu et sa dramatisation aux fins d’élucidation des phénomènes inconscients.
Dans celui-ci, la fonction interprétative du jeu est au premier plan et repose sur l’analyse du transfert et des résistances. La fiction que représente le jeu est une invite à une activité symbolisante souvent précaire pour le type de patient auquel cette thérapie s’adresse. »
(Dictionnaire international de la psychanalyse, sous la direction d’Alain de Mijolla, Calmann-Lévy, 2002.)
Denise Diatkine, psychanalyste, présente les origines du psychodrame:
Audio
(Extrait de Le psychodrame psychanalytique individuel, première cassette du coffret René Diatkine : une pensée en mouvement, Collection « À l'aube de la vie », dirigée par Serge Lebovici et Bernard Golse, réalisée par Alain Casanova et Monique Saladin.)
Rien ne laissait supposer qu’un jour la psychanalyse et le psychodrame s’uniraient pour donner naissance au psychodrame psychanalytique. Cette complémentarité fut perçue par des psychanalystes d’enfants qui modifièrent la cure analytique des enfants en introduisant un nouveau médiateur, le jeu. Le psychodrame psychanalytique va se répandre dans un premier temps en 1946 dans le service du Professeur Heuyer à l’hôpital des Enfants Malades avec Serge Lebovici et René Diatkine puis à Sainte Anne avec H. Danon-Boileau et J. Simon, à l’hôpital psychiatrique de Villejuif avec Jean et Evelyne Kestemberg et enfin au Centre Claude Bernard avec Mireille Monod.
Dans l’ouvrage de Michel Basquin Le Psychodrame : une approche psychanalytique, on découvre les tentatives de deux équipes pour mettre en place une nouvelle psychothérapie, d’une part à l’Hôpital des Enfants Malades avec Serge Lebovici et J. Moreau-Dreyfus qui prirent conscience de « la valeur socialisante du groupe » grâce aux groupes d’enfants qu’ils animaient et d’autre part au Centre Claude Bernard avec Mireille Monod.
Après un séjour aux États-Unis où Mireille Monod découvrit la technique de Moreno, elle décida de mettre en place le psychodrame pour enfants au Centre Claude Bernard. Elle s’aperçu rapidement que cette nouvelle psychothérapie nécessitait une formation analytique des thérapeutes. Après plusieurs mois de recherches sur cette nouvelle psychothérapie, les deux équipes mirent en évidence une nouvelle approche, tout à fait pertinente pour la psychanalyse des enfants, impliquant le jeu dramatique et le groupe. Le centre Claude Bernard conserva l’appellation de psychodrame, restant ainsi fidèle à Moreno.
Serge Lebovici, quant à lui, attribua à cette nouvelle technique le nom de « psychanalyse dramatique de groupe » puis de « psychodrame analytique », la distinguant ainsi du psychodrame morennien. Le psychodrame psychanalytique va se scinder en deux courants, d’une part le psychodrame psychanalytique individuel et d’autre part le psychodrame psychanalytique groupal.
À la différence du psychodrame morennien qui préconisait une décharge des conflits et des tensions ou plus exactement « une catharsis » pour citer Moreno, dans le psychodrame psychanalytique individuel on opte pour une intériorisation et une élaboration des conflits.
Le psychodrame psychanalytique individuel implique un engagement de la part du patient ; celui-ci se déterminera au cours d’un entretien préalable dans lequel on lui expliquera ce qu’est un psychodrame et son fonctionnement ; après une séance d’essai le psychodrame pourra commencer.
Plusieurs personnes seront impliquées dans ce psychodrame dont le patient, un directeur de jeu qui organise le jeu mais qui ne joue pas et les co-thérapeutes qui feront office d’acteurs. C’est le patient qui proposera la scène à jouer et qui répartira les rôles, la fin du jeu, quant à elle, sera déterminée par le directeur qui peut également interrompre le jeu quand il le désire pour faire une remarque, proposer une discussion ou encore solliciter l’intervention d’un tiers. Au contraire des co-thérapeutes qui parlent dans le jeu, le directeur reste silencieux et ne s’exprime qu’à la fin. Ce que l’on retiendra au cours de ces séances portera sur la manière dont le patient investira l’espace, la façon dont il distribuera les différents rôles et enfin la façon dont il utilisera son corps et la parole.
Dans l’article de S. Lebovici, R. Diatkine et H. Danon-Boileau, « Psychodrame et traitement des psychotiques », les auteurs nous expliquent l’intérêt du psychodrame avec ce type de patients : « Dans le psychodrame individuel que nous utilisons avec les malades psychotiques, la scissions des relations transférentielles entre le « directeur » du traitement (qui ne joue pas mais reçoit le malade, lui parle sur le plan de la réalité, organise le jeu et donne les interprétations) et les personnages auxiliaires qui assument les rôles proposés par le malade est un élément essentiellement favorable — puisque matérialisant sans cesse l’opposition entre fantasme et réalité, alors que la disparition de cette opposition est un caractère essentiel de la défense psychotique. »
Pour illustrer cet article, on peut se référer à la cassette vidéo « Le Psychodrame psychanalytique individuel » de la collection À l’aube de la vie réalisée par A. Casanova et M. Saladin, qui relate le cas d’un patient traité par le psychodrame en 1965 par S. Lebovici et R. Diatkine.
Voici par ailleurs un extrait de l'ouvrage de Delaroche P., Le psychodrame psychanalytique individuel, Payot, Paris, 1996 :
« Qu'est-ce qui peut bien faire jouer dans une équipe de psychodrame des psychanalystes qui revendiquent leur appartenance à la communauté freudienne et n'ont donc aucune tentation de retour en arrière vers des techniques supplantées par la psychanalyse? Je crois que c'est la vérité qu'ils retrouvent dans le jeu. Car ce n'est pas dans le cabinet du psychiatre, du psychologue ou même du psychanalyste que certains patients (enfants, adolescents, adultes) disent ce pourquoi ils sont là. C'est même le seul endroit où ils ne le disent pas ! Pourquoi ? Parce qu'ils sont prisonniers d'un rôle, celui du malade, du fou, de l'anormal, du névrosé, etc. Mais prisonniers de ce rôle qu'on leur attribue ou qu'ils croient qu'on leur attribue, ils refusent de le jouer. Cela me rappelle cette patiente mutique, venant d'arriver à l'hôpital psychiatrique et ne s'exprimant que par écrit. Elle tend au médecin-chef un papier sur lequel elle a inscrit :
« Êtes-vous psychanalyste ? ». Le psychiatre lui renvoie, comme s'il était mutique lui aussi, son papier sur lequel il a écrit « Oui ! » Inutile de dire que le dialogue n'est guère allé plus loin. Cette anecdote montre bien que le psychanalyste risque de se trouver enfermé dans un rôle, surtout s'il est dans une institution dont la raison sociale le dépasse. Or cet enfermement, et il le sait bien s'il est analyste, le coupe de tout accès réel à son patient. Ce phénomène est moins fréquent en cabinet où les premiers entretiens ont pour but de le déjouer; il risque en revanche de se produire quand le patient a noué un transfert suffisamment opaque pour que l'analyste ne puisse parler autrement que derrière le masque que lui a collé son patient, masque produit parfois par un délire. Quand ils l'acceptent, ces patients retrouvent dans le jeu un parler vrai qui les étonne eux-mêmes. L'analyste lui aussi s'aperçoit qu'il peut dire au psychodrame des choses inaudibles autrement. C'est pourquoi il retrouve à ce moment-là la vocation qu'il croyait avoir perdue dans les rôles sociaux qu'on lui fait jouer ou dans celui du psychanalyste qui se tait. On comprendra donc, qu'à part le dispositif et quelques grands principes, il soit difficile de parler de technique du psychodrame individuel, sinon à travers des cures que j'exposerai ensuite. D'autant que ces grands principes sont : l'inventivité dans le jeu mais aussi dans la mise en scène. On peut inventer en effet toutes sortes de modifications techniques. Il n'y a aucune limite au jeu : on peut tout jouer au psychodrame (y compris ne pas jouer et assister en spectateur). La seule règle impérative étant le « comme si », le « faire semblant », à condition d'ailleurs que ce « comme si » et ce « faire semblant » aient l'accent du véridique et que le patient y adhère. Il apparaît donc difficile de codifier des trouvailles techniques qui doivent conserver leur spontanéité. »
Il est représenté par D. Widlöcher et D. Anzieu et dans leurs ouvrages respectifs Le Psychodrame chez l’enfant et Le Psychodrame psychanalytique chez l’enfant et l’adolescent, on perçoit leur intérêt pour le psychodrame avec plusieurs participants, avec des enfants ou des adolescents et des thérapeutes.
Le psychodrame psychanalytique groupal est appliqué, en majorité, aux enfants et adolescents.Dans ce psychodrame, les enfants choisissent le thème du jeu et dès cet instant il est important de porter son attention sur la dynamique du groupe car le choix du thème et la distribution des rôles vont se révéler intéressants.
Plusieurs procédés tels que le jeu en miroir, l’inversion des rôles ou l’utilisation du double vont être proposés pour permettre aux différents protagonistes de s’exprimer.
Dans ce psychodrame le transfert est dispersé puisque plusieurs personnes sont présentes.
Le rôle du thérapeute va être différent de celui qu’il a lors de l’écoute analytique. Le psychodrame va permettre aux thérapeutes d’appréhender l’implication d’un enfant dans un groupe, le développement de son imaginaire, son contact avec la réalité, son intérêt pour l’interprétation d’un rôle, l’effet cathartique, la symbolisation de la scène imaginée et la co-improvisation car le jeu implique différentes personnes, adultes et enfants.
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