Hommage à Michel Soulé, par Joyceline Siksou.
Michel Soulé né le 28 février 1922 est décédé le 30 Janvier 2012.
Michel Soulé psychiatre, psychanalyste et professeur de pédopsychiatrie s’est surtout fait connaitre par ses travaux de pionnier en psychiatrie du très jeune enfant, du nourrisson puis du fœtus. Il aimait à raconter que jeune interne en pédiatrie à l’hôpital Saint Vincent de Paul, intéressé par la psychiatrie et la psychanalyse, le professeur Lelong lui avait offert un boxe pour s’exercer à la psychiatrie et à la psychothérapie, très vite rejoint par Léon Kreisler avec qui en 1955 il créait l’Institut de Puériculture de Paris. Il expliquait son intérêt pour le développement du jeune enfant par le fait, entre autre, d’avoir été l’aîné d’une fratrie de cinq enfants. Devenu chef de clinique à l’Hôpital St Vincent de Paul, l'hospice dépositaire de l'assistance publique qui recevait chaque année des enfants séparés de leur famille, enfants envoyés en « agence » , il découvre la pathologie de la carence et de la séparation au moment même où paraissent deux livres essentiels, pour lui, celui de Bowlby, Soins maternels et santé mentale et celui de Spitz, Genèse de la relation objectale. Il développe alors une action importante de prévention précoce de santé mentale, placement familial et adoption, dans le 14e arrondissement de Paris, puis de prévention très très précoce favorisant toute action allant dans ce sens le plus en amont possible.
À l’Institut de Puériculture de Paris, entouré de services de pédiatrie néonatale son intérêt se partage entre le service de Guidance infantile où se développe la pratique de la psychanalyse de l’enfant, une consultation de psychosomatique avec Léon Kreisler et un Hôpital de jour à orientation strictement psychanalytique pour très jeunes enfants autistes en particulier. Les liens entre ces divers services, le fait d’avoir une formation de pédiatre, d’être psychanalyste et d’avoir allié à un humour qui lui était propre, une grande sensibilité clinique et un vrai talent de transmission lui valurent très vite d’être associé aux réflexions de pionniers sur la mort des nourrissons dans ces services.
Se suivent de très près dans les années 75-77-78 : L'enfant et son corps- Etudes sur la clinique psychosomatique du premier âge, avec Léon Kreisler et Michel Fain, PUF, 1975. Connaissance de l'enfant par la psychanalyse, avec Serge Lebovici, PUF, 1977. Deux articles majeurs : « L’enfant qui venait du froid. Compréhension des parents de l'enfant autistique » et « Les souhaits de mort en pédiatrie du nouveau-né » in Mère mortifère, mère meurtrière, mère mortifiée, Paris, ESF, 1978.
Michel Soulé entretenait des liens amicaux et de recherche constante avec ses collègues psychanalystes et amis du 13e arrondissement tel que Jean Gillibert qui se déplaçait à l’hôpital de jour pour jeunes enfants et Serge Lebovici auquel il était lié par une rivalité stimulante dont il aimait à plaisanter. Il parlait peu de son travail de psychanalyste auprès des adultes mais la SPP était toujours présente dans son souci constant d’entretenir un noyau solide de psychothérapeutes et psychanalystes auprès des enfants et de très jeunes enfants et de s’assurer de leur formation autour de groupes de supervision et d’un séminaire où s’associaient Janine Noël et Simone Decobert, puis plus tard Michèle Luquet, Michel Ody et Sara et César Botella. Il regrettait amèrement que la psychanalyse de l’enfant resta une pratique marginale au sein de la SPP. Michel Soulé était persuadé que la psychanalyse de l’enfant ne pouvait qu’enrichir la pratique de la psychanalyse auprès des adultes. Sa référence théorique restait la métapsychologie freudienne mais sa curiosité personnelle et sa recherche de compréhension du très jeune enfant et du nourrisson le conduisait à encourager très tôt ses collaborateurs qui s’intéressaient à l’apport des psychanalystes anglo- saxons et post- kleiniens et à l’observation du nourrisson: il regrettait de ne pas avoir le temps de s’y former ! Il fut l’un des premiers en 1986, après avoir initié une recherche sur l’allaitement maternel, à rencontrer Daniel Stern et Brazelton à Genève et à y inviter plusieurs de ses collaborateurs. De la multiplicité de travaux de cette période et de la biologie il tira profit, avec l’ouverture du service de médecine fœtale de l’IPP, pour poursuivre ses avancées et ses écrits sur le fœtus, une fois sa retraite prise.
Travailler avec Michel Soulé exigeait une grande rigueur et une disponibilité constante en retour on était assuré de sa confiance totale. Son goût pour la recherche et l’innovation lui permettait d’affirmer qu’un temps dans son service devait se partager entre une clinique rigoureuse , difficile et un temps carte blanche dans l’un des services dont les portes peu à peu allaient s’ouvrir à une réflexion portée par un regard psychanalytique: néonatologie et sa réanimation, médecine fœtale, maternité,pmi, lactarium .On était assuré aussi d’être pris d’un fou rire inextinguible au moment le plus inattendu :son humour était décapant, ses blagues et sa culture venaient régulièrement redonner du plaisir au travail, élargir l’horizon, alléger l’atmosphère. Il aimait profondément la littérature, le spectacle, la fête et l’imagination, longtemps, chaque journée scientifique annuelle (publiées aux ESF) se prolongeait par un spectacle théatro musical auquel tous selon son talent participaient, lui y compris, premier à se mettre en scène !: Vous aurez de mes nouvelles, Paris, ESF, 2000.
Joyceline Siksou, le 31 Janvier 2012
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